Celibataire, sans enfant (Partie 2)
Stéphanie Kouamy était une belle jeune femme. Sa taille élancée et ses rondeurs assez prononcées n’avaient plus de pouvoir sur lui. Elle est la fille de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en Balandja et c’était à une soirée des diplomates où il accompagnait son père qu’il avait fait sa rencontre il y a 4 ans. Dès qu’il la vit, il ne put rester en place. Il se rappelle encore malgré lui de la magnifique robe turquoise qu’elle portait. Son parfum envoutant la suivait telle une traine de robe de mariée. Malgré tous ces efforts, il ne put aller lui adresser la parole mais ce n’était que partie remise. Il la revit dans les locaux de la Balandja Development Corp. quelques mois plus tard pour la construction d’une des succursales de l’entreprise de sa mère. Et c’est là qu’il l’avait invité à déjeuner et de fil en aiguille ils se sont mit à sortir ensemble. Il était tellement amoureux d’elle que 5 mois plus tard, il la demanda en mariage le jour de son anniversaire et il avait sorti le grand jeu pour sa demande à coup de location de restaurant et de déplacement d’artiste renommé. Ibrahim donnait sans compter et aimait faire plaisir à ceux qu’il aime, et c’est justement ça qui allait le perdre. Quelques jours plus tard, il s’apprêtait à appeler ses parents pour leur annoncer la nouvelle quand Roland lui envoya un message assez étrange « Salut vieux ! Faut absolument que tu lises le dernier numéro de People Actu ! C’est chaud mec ». Il pensait que c’était encore une de ses blagues pourries. Il recommença à composer le numéro de sa mère quand il reçu à nouveau un message « Salut cousin. Tu as lu le dernier People Actu ? ». C’était Samira. Il se demanda ce qu’ils avaient tous à vouloir lui faire lire ce dernier People Actu. Il décida d’aller voir la couverture de ce numéro sur Internet avant d’aller l’acheter. Ce qu’il vit lui fit renverser son bol de céréales. Il se mit à rire et lu à haute voix ce qu’il voyait
« Michael Essou, le footballeur de nouveau fiancé » et il y avait une photo de lui et de Stéphanie bras dessus bras dessous. Il resta figé un bon moment et se décida à aller acheter le magazine pour lire l’article. Quelques minutes plus tard, il l’avait sous les yeux.
«Comme vous le savez tous depuis un certain moment, Michael Essou, le capitaine de l’équipe nationale et meilleur buteur de la Liga s’était séparé de la rappeuse Shino après le scandale que cette dernière avait faite à la soirée de remise du ballon d’or. Nouvelle qui avait redonné espoir à toutes les Balandjiennes. Espoir qui s’est éteint il y a quelques jours, à l’annonce de ses fiançailles avec la sulfureuse Stéphanie Kouamy, fille de l’ambassadeur Ivoirien Laurent Kouamy et de la businesswoman Chantal N’Diaye. Le footballeur s’est exprimé sur son compte Twitter officiel avec à l’appui, une photo de la main de Stéphanie qui avait déjà mis la bague sertie de diamants qu’il lui a offert. Les rumeurs prétendent que cette bague lui a couté sa prime de la finale de Dimanche passé, face au Barcelone. Bref, on espère juste que cette fois ci, notre sauveur national a trouvé chaussure à son pied. On attend donc avec impatience la date du mariage qui, encore selon les rumeurs, se déroulera à Abidjan. »
Ibrahim n’en revenait pas. Sa Stéphanie ! Celle avec qui il se voyait finir sa vie ! Celle avec qui il s’était fiancé il n’y a même pas une semaine ! Elle l’avait trahi de la plus honteuse des manières. Il se jeta sur son téléphone et composa son numéro. Elle ne décrocha pas. Il réessaya plusieurs fois sans succès. Il reçu un message de sa part 10 minutes plus tard « Je ne te parlerais pas tant que tu seras dans cet état. Je sais que tu as vu l’article. On se verra ce soir, au resto de maman. 20h ». Sans savoir pourquoi, ce message l’avait apaisé. Il se dit qu’elle allait lui expliquer ce qui se passe réellement et qu’elle allait lui dire que tout ça n’était que mensonge. Il s’en voulait d’avoir douté d’elle. Le soir comme convenu, il l’attendit au restaurant. Jusqu’à 21h, il ne vit personne. Un des serveurs s’approcha de lui et lui remit un écrin avec une enveloppe. Il était perdu. Il déchira l’enveloppe et lu la lettre « Bonsoir Ibrahim, je ne vais pas tourner autour du pot. J’ai cherché le moyen de te l’annoncer mais je n’en ai pas eu la force. Je pense que maintenant je n’ai plus le choix. Je te rends ta bague. Je décolle ce soir pour Madrid et je ne sais pas si on se reverra. Je te souhaite pleins de bonheur dans ta vie. Ne m’en veux pas. L’amour a ses raisons ». Ibrahim ouvrit l’écrin et vit sa bague à l’intérieur. Il était tétanisé. Il eut envie de courir se jeter sous une voiture. Il avait sa tête entre ses mains quand il sentit une autre sur son épaule. C’était Roland. Il saura plus tard que c’est Stéphanie elle-même qui lui avait demandé de passer le chercher car il risquait de faire une bêtise. Et tout ça, c’était la veille de son anniversaire. Depuis, chaque anniversaire lui rappelait à quel point la femme africaine était comparable au diable. Il s’était promis de ne plus jamais tomber amoureux d’une africaine.
Et la voilà devant lui, 3 ans et un jour après, à sa fête d’anniversaire. Il l’avait revu deux fois depuis cet incident. Entre temps, son footballeur l’avait planté devant l’autel quand il apprit par les journaux qu’elle était déjà fiancée à un autre au moment où il mettait un genou à terre. Quelle ironie ! Il était sorti et elle l’avait suivi
« Ibrahim, je tenais à… »
« Ne te fatigues pas. Tu es toute excusée, pardonnée, lavée, pliée, repassée tout ce que tu veux »
« Laisses moi au moins le temps de t’expliquer »
« Ecris une lettre et demande à un serveur de me l’apporter. C’est comme ca que tu arrives à expliquer les choses non ? »
« Tu m’en veux encore… »
« T’en vouloir de quoi ? De m’avoir planté un poignard dans le dos ? De ne pas avoir su respecté ce qu’il y avait entre nous ? Ou du fait que tu sois celle que tu es ? Je ne t’en veux pas. D’ailleurs regarde – il la serra dans ses bras – tu vois ? Je ne t’en veux pas. Si c’est pour ca que tu es venu, tu peux partir en paix »
« C’est pas pour ça que je suis là Ibrahim. Je suis là parce que je t’aime encore »
Ibrahim la regarda sans rien dire. Son regard était vide d’expression. A ce moment, plus rien ne lui traversait l’esprit. Il la fixa encore pendant 30 secondes et fus pris d’un fou rire. Stéphanie commença à avoir peur. On aurait dit qu’il devenait fou. Il ria un bon moment puis s’arrêta. Il la regarda et repris son fou rire.
« Ibrahim ? Ca va ? »
Il essaya tant bien que mal de répondre
« Ecoutes Stéphanie. Tu as réussi à me faire rire. Depuis que tu es partie, je n’ai pas ri autant. Rentres chez toi. Tu as besoin de repos »
Il ouvrit la portière de sa voiture sans la regarder, il démarra et pris la route.
Ibrahim en voulait à Roland de lui avoir fait ce coup. Si Stéphanie Kouamy était une tache d’encre noire, Georges Ibrahim serait surement un drap blanc. Et l’inviter à sa soirée d’anniversaire sachant ce qui s’était passé n’a pas été la meilleure idée qu’il a eut. Il l’avait appelé pour lui dire qu’il était fatigué, qu’il rentrait dormir et qu’il présentait ses excuses à tous ceux qui étaient présent à la soirée. Roland su qu’il ne devait pas insister pour qu’Ibrahim revienne et s’excusa d’avoir gâché la soirée. Pour Ibrahim, la soirée n’était pas gâchée, au contraire, il s’était vraiment bien amusé.
2 semaines plus tard. Ibrahim n’avait plus eu de nouvelles de Stéphanie. Il apprit par la presse qu’elle était retournée à Abidjan. Depuis son histoire avec Essou, elle faisait constamment la une des journaux. Il ressentait quelque chose encore pour elle et il ne pouvait se mentir à lui-même. Mais ce n’était pas la raison pour laquelle il était resté célibataire tout ce temps. Des coups de foudre, il en a eu mais quand il repensait à ce que Stéphanie lui avait fait, il trouvait le moyen de vite oublier. Elle l’avait transformé et quelque part, il lui en était reconnaissant car d’après ses propres mots « J’ai le temps de me concentrer sur l’essentiel maintenant».
C’était l’heure de la pause et Ibrahim était toujours en train de pianoter sur son ordinateur quand Roland entra précipitamment dans son bureau
« Vieux, fais comme si on était en séance de travail. Vite ! »
« Mais qu’est ce qui se passe Roland ? Je travaille là »
« Mais c’est justement ce que je te… -on frappa à la porte – Et comme je disais, la baisse du cours du dollar aura des retombées catastrophiques sur le contrat qu’on a signé avec les entrepreneurs Canadiens qui… Hey Samira ? Je ne pensais pas que tu viendrais »
« Bonjour Ibrahim. Je passais te remettre le colis de tante Djeneba. Si tu peux passer lui remettre ça ce soir. Toi Roland, je te regarde seulement »
« Ooh ma puce, qu’est ce que j’ai encore fait ? »
« Bon vous deux là, vous règlerez vos problèmes ailleurs, on est en séance de travail là. Okay Samira je passerais chez elle »
« Séance de travail à l’heure de la pause ? »
« On est obligé de prendre une pause ? » répondirent-ils en chœur.
Samira claqua la porte derrière elle et s’en alla. Ibrahim se tourna vers Roland
« Hey vieux, ne me regarde pas comme ça. Ta cousine c’est une folle »
« Je t’avais prévenu monsieur je-gère-tout. Mais de grâce, ne me mêle pas à tes coups foireux »
« Si je ne te mêle pas, je vais mêler qui ? Monsieur je-ne-grandirais-que-quand-les-poules-auront-des-dents »
« Idiot ! » et ils éclatèrent de rire
« Dis, tu m’accompagnes ce weekend, n’oublies pas »
« Roland, Roland, Roland Reste chez toi un week end seulement »
« Je rectifie, c’est monsieur je-ne-grandirais-que-quand-Roland-passera-un-week-end-chez-lui. Allez, il faut que tu viennes. C’est un gala de charité qu’organise l’ONG de la mère de ma dernière petite là, j’ai besoin d’un co-pilote »
« Tu me paies le carburant ? Monsieur je-fais-des-vannes-pourris-et-je-trompe-la-cousine-de-mon-meilleur-pote-sans-honte »
« Embrasser ce n’est pas tromper vieux »
« Bon ça va, d’accord. Maintenant dégage de mon bureau »
« D’accord monsieur je-… »
Ibrahim prit un stylo et le lança sur Roland qui sortit du bureau aussi vite qu’il était entré.
Ibrahim s’apprêtait à se mettre au lit quand il se rappela qu’il avait rendez vous avec Roland. On était samedi et il n’était que 19h30. Il avait l’habitude de se coucher assez tôt pour se réveiller plus tard dans la nuit, surtout les samedis. Il venait de terminer son diner et vu qu’il n’y avait aucun programme qui l’intéresse à la télévision, il prit un bouquin et commença à lire. C’était Samira qui lui avait conseillé ce roman qui racontait l’histoire d’une jeune fille que l’amour avait poussé à faire des choses qu’elle ne pensait pas être capable de faire. Ce roman avait été un franc succès en Côte d’Ivoire et il avait demandé à Samira de le lui rapporté quand elle revenait de Yamoussoukro. Ibrahim aimait beaucoup lire. Il le tenait de sa mère. Son disque dur renfermait des petites nouvelles qu’il essayait de temps en temps d’écrire mais dont il n’en parlait jamais, même pas à sa mère. La seule personne qui avait eu le privilège de les lire, c’était Stéphanie et elle l’avait découragé en lui disant qu’il était fait pour construire pas pour écrire. Il serra les poings quand il se rappela de cet instant de sa vie où la naïveté et lui ne faisait qu’un. En à peine 20 minutes, Ibrahim avait dévoré plus de la moitié de l’œuvre et n’eut été l’appel de Roland, il l’aurait surement terminé
« Allo vieux, j’espère que tu es prêt, je serais là dans 30 minutes »
« Je suis pratiquement prêt mais… »
« Non non non. Regarde sur la table de ta cuisine. Tu te rappelles de notre boite ? Ouvre la, mets y le ‟mais ” que tu viens de dire et referme la. Je t’interdis de l’ouvrir avant demain. Ciao »
Et il raccrocha aussitôt sans même avoir pris le temps d’écouter ce que son ami avait à dire. En fait, Ibrahim ne savait pas quoi se mettre et il voulait avoir une idée de ce que Roland avait mis pour qu’ils soient en ‟total harmonie‟ comme à leur habitude. Il se leva difficilement du lit et alla prendre une douche froide, histoire de se réveiller. Quelques minutes plus tard, on sonna à la porte. Roland était là et il n’était pas encore habillé. Il sortit de la chambre en caleçon et alla ouvrir la porte en hurlant
« ROLAND ROLAND ! JE T’AI DIS QU’UNE SEULE SONNERIE SUFFIT ! LA MAISON N’EST PAS SI… »
Il ouvrit la porte sans hésiter et quand il vit qui c’était, il resta là sans rien dire. Il sentait son cœur accélérer ses battements. Il n’avait jamais rien vu de pareil depuis des années.
« Bonsoir »